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FEDERATION DES GEPI (Groupement d'Exercice Professionnel d'Infirmier)

Lu pour vous


 

La grippe de… 1889     
Jean Deleuze    
Jeudi 17 Septembre 2009 10:20 
Difficile de ne pas évoquer la grippe A dans un éditorial de cette rentrée, et surtout d’écrire à ce propos quelque chose qui ne sera pas démenti à parution, tant les données sur ce sujet ne cessent de se modifier. Car le premier enseignement de l’épidémie réside déjà dans ce paradoxe: si les connaissances à son sujet évoluent si vite, c’est d’une part parce que, comme l’affirme la directrice générale de l’OMS, «le virus H1N1 voyage à une vitesse incroyable», mais aussi et surtout parce que nous sommes capables de nous en apercevoir grâce à la sophistication de nos moyens de surveillance et d’information. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, nous analysons «en direct» l’évolution brutale d’une pandémie virale de grande ampleur. L’autre paradoxe est que si nous sommes capables de si bien analyser cette épidémie (et, espérons-nous, d’y faire face), c’est que, hantés par le spectre de la grippe espagnole de 1918, nous nous étions préparés à affronter un autre virus grippal, H5N1, a priori bien plus redoutable. Avec notre actuel H1N1 (un «arrière-petit-fils» du virus de 1918), nous avons droit à une répétition générale qui, même si elle paraît excessive à beaucoup, n’est peut-être pas forcément inutile compte tenu de ce qui se passera peut-être un jour, avec un agent infectieux autrement plus méchant.

En attendant, cette première pandémie virale du XXIe siècle suscite un effort de recherche qui a permis déjà de bien comprendre l’histoire du virus H1N1 depuis la grippe de 1918. Pour la période antérieure, on ne possède aucun élément qui permettrait d’en savoir plus, mais il suffit de lire l’abondante littérature publiée, il y a juste un siècle pour réaliser combien la peur de la grippe n’est pas nouvelle.1, 2 Au tout début du XXe siècle, la hantise était de revoir la grippe de… 1889, une grippe dont les observateurs avaient noté la rapidité de progression «égale à celle des transports. Si elle a mis 6 mois pour franchir la distance de Boukhara à Saint-Pétersbourg, il ne lui a fallu que 6 semaines pour arriver de cette ville à Paris. Importée dans les grands centres par les trains express, elle s’est fait ensuite véhiculer dans les petites villes par les trains omnibus et les diligences.» Voici encore comment la grippe s’abattit sur Paris: «C’est le 17 novembre 1889 qu’apparurent à Paris les premiers cas. À partir du 26 novembre, un grand nombre d’employés du magasin de nouveautés Le Louvre furent atteints.» Le 10 décembre, 670 employés étaient absents sur 3 000, au début «l’épidémie n’entraîna d’abord d’autre suite fâcheuse qu’une incapacité de travail de 4 à 5 jours.» Mais vers le 15 décembre, elle devint meurtrière, tuant en 1 mois et demi 5 000 Parisiens. Sous l’influence récente des pastoriens, l’épidémie de 1889 fut l’occasion pour la première fois d’intenses investigations microbiologiques. Si l’on comprit rapidement que les pneumocoques, streptocoques ou staphylocoques observés dans les prélèvements n’étaient pas les agents spécifiques de la grippe, «mais tenaient sous leur dépendance la plupart de ses complications», on se fourvoya à propos d’un bacille isolé par l’Allemand Pfeiffer qui fut pendant de longues années considéré comme l’agent pathogène responsable.

De quoi penser que, si la situation actuelle est inédite, elle reste malgré tout aussi d’un assez grand classicisme…

1. Galliard L. La grippe. J.-B. Baillière. Paris, 1898.
2. Netter A. Grippe. J.-B. Baillière. Paris, 1913. 

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